Droit des femmes

RAJFIRE

Réseau pour l’autonomie des femmes immigrées et réfugiées

Un collectif féministe d’action et de solidarité avec les femmes migrantes, exilées, réfugiées.

Permanences et associations pour le droit des femmes

Femmes de la terre

Informations et soutien spécifique pour les femmes étrangères victimes de violences. Permanence téléphonique pour prise de RV lundi 13h-17h au 01 48 06 03 34 https://www.femmesdelaterre.org/

La Cimade Ile-de-France

Permanence pour les femmes étrangères victimes de violences. Contact et prise de rendez-vous : Appelez le mercredi au 01 40 08 05 34 https://www.lacimade.org/regions/ile-de-france/

Fédération nationale solidarité femmes

Contre les violences envers les femmes. Numéro vert 39 19 http://www.solidaritefemmes.org/nous-trouver

Fédération nationale des Centres d’information pour les droits des femmes et des familles (FNCIDFF)

Droit des femmes Informations juridiques. Permanences de conseil juridique partout en France. https://fncidff.info/

SOS mariages forcés

Contre les mariages forcés 01 30 31 05 05 https://www.stop-mariageforce.fr/index.html

Federation Gams

Contre les mutilations sexuelles féminines et les mariages forcés. 14 passage des Soupirs, 75020 Paris. Mail contact@federationgams.org Sur RV Tél : 01 43 48 10 87 federationgams.org

Femmes étrangères et violences

Violences contre les femmes migrantes : analyse des dispositions légales … et de leur application …(Exposé présenté à la commission enquête assemblée nationale septembre 2021)

Les femmes étrangères, comme toutes les femmes confrontées à des violences, sont imparfaitement protégées car le système pénal est trop souvent défaillant (plaintes non suivies d’effet, classées sans suite, condamnations peu sévères des auteurs de ces violences). La peur, le chantage, les pressions familiales ou sociales, les normes culturelles, peuvent aussi affecter les capacités des femmes à défendre leurs droits. L’insuffisance des dispositifs d’hébergement d’urgence entrave la possibilité de quitter un conjoint ou une famille violente

La vulnérabilité des femmes migrantes face aux violences sexistes et sexuelles est accrue lorsqu’elles sont récemment arrivées en France,  dans la dépendance d’un conjoint, maitrisant peu la langue française, n’ayant pas de ressources propres, en situation administrative précaire, ou sans titre de séjour (donc souvent en errance, vouées à des hébergement précaires, à risque de subir les violences de la part d’hommes qui profitent de leur situation).

Que dit la loi spécifiquement pour les femmes étrangères, telle que formulée dans le CESEDA (Code de l’entrée et du séjour et du droit d’asile) ? Des dispositions existent, mais elles restent incomplètes, et dans la réalité peu appliquées. On observe un écart énorme entre les principes affirmés dans les lois et les politiques publiques et les pratiques réelles.

  1. Les dispositions pour les femmes qui ont droit à un titre de séjour car elles sont conjointe d’un ressortissant français, ou venues en France par le regroupement familial (conjointe d’un résident étranger).

Le titre de séjour de la personne étrangère (femme dans le cas ici examiné, mais c’est la même chose si c’est un homme bien entendu) n’est pas renouvelé si la communauté de vie du couple prend fin, et cela pendant les premières années du séjour (lorsque la personne étrangère dispose d’une carte de séjour temporaire ou durant la première année de la carte de résident de 10 ans). Un nombre important de personnes est concerné car une grande partie de l’immigration légale se fait dans le cadre conjugal.

Les lois, ayant été progressivement modifiées depuis le début des années 2000, disposent aujourd’hui que ce titre de séjour est renouvelé en cas de décès du conjoint et si cette communauté de vie est rompue en raison des violences 

Article L423-5 CESEDA (concernant les conjoint-e-s de Français-e-s) : La rupture de la vie commune n’est pas opposable lorsqu’elle est imputable à des violences familiales ou conjugales ou lorsque l’étranger a subi une situation de polygamie.

Article L423-18  CESEDA (concernant les conjoint-e-s venues par le regroupement familial)Lorsque l’étranger a subi des violences familiales ou conjugales et que la communauté de vie a été rompue, l’autorité administrative ne peut procéder au retrait du titre de séjour de l’étranger admis au séjour au titre du regroupement familial et en accorde le renouvellement.

Il est aussi indiqué, dans les 2 cas, que si les violences et la rupture de la communauté de vie surviennent avant la délivrance de la 1ère carte de séjour, celle ci doit être délivrée.

Mais en réalité ?

Les services préfectoraux apprécient la véracité des déclarations de la victime en se basant sur l’issue de la plainte (condamnation de l’auteur des violences) ou au moins un jugement de divorce pour faute du conjoint, ou encore des documents médicaux extrêmement probants de violences physiques (jours d’ITT, hospitalisation…). 

Or une grande part des violences sont des violences psychologiques, le « chantage aux papiers », le divorce unilatéral et la mise à la porte du domicile conjugal. Ces violences là, qui sont particulièrement destructrices et lourdes de conséquences, ne sont pas prises en compte, d’après nos observations.

Sans ces éléments (condamnation du conjoint, graves violences physiques) à l’appui de la demande de renouvellement, les violences seront considérées comme « non établies ».  Dans les situations que nous avons eu à connaitre, la majorité des demandes ont été rejetées, et davantage qu’il y a quelques années comme si une suspicion croissante pesait sur les déclarations des victimeq et si le déni de ces violences perdurait malgré la sensibilisation de la société à ces problématiques

2) Les bénéficiaires d’une Ordonnance de protection, prise par un Juge aux affaires familial en raison de violences dans le couple (ou par un ex-partenaire) ou de contrainte à un mariage forcé, et de danger grave et imminent (l’Ordonnance de protection figure dans le code civil) et le CESEDA ajoute ce qui concerne spécifiquement les personnes étrangères :

Article L425-6 L’étranger qui bénéficie d’une ordonnance de protection (…) en raison des violences exercées au sein du couple ou par un ancien conjoint, un ancien partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou un ancien concubin se voit délivrer, dans les plus brefs délais, une carte de séjour temporaire mention  » vie privée et familiale  » d’une durée d’un an (…). Une fois arrivée à expiration elle est renouvelée de plein droit à l’étranger qui continue à bénéficier d’une telle ordonnance de protectionLorsque l’étranger a porté plainte contre l’auteur des faits elle est renouvelée de plein droit pendant la durée de la procédure pénale afférente, y compris après l’expiration de l’ordonnance de protection. »

Article L425-8  En cas de condamnation définitive de la personne mise en cause, l’étranger détenteur de la carte de séjour prévue aux articles L. 425-6 et L. 425-7 ayant déposé plainte (…)se voit délivrer une carte de résident d’une durée de dix ans.

Les limites de ces dispositions sont évidentes : un carte de séjour temporaire d’un an est délivrée lorsqu’une personne étrangère bénéficie d’une ordonnance de protection, et renouvelée pendant la durée de la procédure pénale. Mais que se passe t il une fois la procédure pénale achevée ? Explicitement dans cet article il est écrit que la victime bénéficie d’une carte de résident (garantissent un séjour durable) si l’auteur des violences est condamné. S’il n’est pas condamné (ce qui est fréquent…), on se trouve dans le flou le plus absolu. La carte de séjour temporaire est elle renouvelée ? cela n’apparait pas dans ces textes…

3) les victimes de traite et de proxénétisme : des droits bien temporaires et un avenir très incertain….

Le cas de la victime qui dépose plainte est traité dans les articles Article L425-1 et suivants : elle se voit délivrer une « carte de séjour d’une durée de un an (…) renouvelée pendant la durée de la procédure pénale », et  « en cas de condamnation définitive de la personne mise en cause (…) une carte de résident d’une durée de dix ans »

Là encore, que se passe t il si l’auteur n’est pas retrouvé (plainte contre X si la victime ne connait pas son nom), n’est pas condamné ? 

Le cas de la victime qui ne dépose pas plainte mais rompt avec les proxénètes et entre dans le parcours d’insertion prévu dans la loi sur la prostitution de 2016 figure dans l’article L425-4 : elle « peut se voir délivrer une autorisation provisoire de séjour d’une durée minimale de six mois. (…) Cette autorisation provisoire de séjour ouvre droit à l’exercice d’une activité professionnelle. Elle est renouvelée pendant toute la durée du parcours de sortie de la prostitution et d’insertion sociale et professionnelle. »

Et donc que se passe t il une fois la sortie de la prostitution effective ? On peut imaginer qu’ayant trouvé un emploi elle peut demander une carte de séjour salarié ? mais ce n’est pas une délivrance de plein droit et les critères sont stricts…

Il n’est pas étonnant que les titres de séjour délivrés pour les personnes victimes de violence soient très peu nombreux (selon les statistiques du ministère de l’intérieur 1% de tous les 1er titres de séjour délivré, mais il est possible qu’il y ait un biais dans l’enregistrement et l’identification des motifs de délivrance des titres de séjour et qu’il y en ait un peu plus…)

Nous préconisons donc que soient modifiés tous ces articles et que d’autres dispositions soient ajoutées afin de :

  • garantir aux victimes un droit au séjour durable en ne faisant pas dépendre leur titre de séjour de la condamnation de l’auteur
  • mieux reconnaitre la réalité de toutes les violences subies par les femmes, dont les violences psychologique, le chantage…
  • inclure des dispositions protectrices pour les victimes de violences dans des situations aujourd’hui non prises en compte telles que viol, esclavage moderne, et autres crimes et délits graves

En matière de démarches et de procédures, dans le cadre de la dématérialisation des demandes de RV et des dépôts de dossiers en préfecture ou sous-préfecture, dans un certain nombre d’entre elles il n’existe aucun dispositif ou formulaire spécifique pour faire une demande en urgence en rapport avec une situation de violences : il faut prendre un RV pour une demande nommée « admission exceptionnelle au séjour » qui regroupe une grande variété de cas, et pour laquelle il est quasiment impossible d’obtenir un RV

Nous demandons qu’un dispositif spécifique soit prévu partout, ainsi que des référents « violences » formés à la question des violences et en capacité d’examiner de manière pertinente ces dossiers

Les dispositions sur l’aide juridictionnelle permettant que des personnes ayant de faibles ressources puissent avoir l’assistance d’un avocat nécessite d’être en situation régulière (sauf pour un recours en droit des étrangers, et sauf demande exceptionnelle souvent refusée). Donc des femmes victimes de violences, voulant se porter partie civile, ou pour être assistées lors d’une confrontation, ou déposer une requête en divorce, n’ont pas accès à l’assistance d’un avocat quand elles n’ont pas de titre de séjour.

Nous demandons que les victimes de violences, pour des procédures liées à ces violences, bénéficient de plein droit de l’aide juridictionnelle

  • Nous pouvons remarquer, sans développer ici, que l’écart entre principes et pratiques réelles existe aussi dans le domaine du droit d’asile

Les persécutions liées au sexe, au genre ou à l’orientation sexuelle sont explicitement reconnues dans la loi française, qui interprète donc de manière élargie la Convention de Genève, après des années de revendications et de plaidoyer en ce sens et l’influence de l’Union européenne : 

Article L511-3 du CESEDA « Les actes de persécution et les motifs de persécution [sont reconnus] au sens de (…) la convention de Genève […] S’agissant des motifs de persécution, les aspects liés au sexe, à l’identité de genre et à l’orientation sexuelle sont pris en considération aux fins de la reconnaissance de l’appartenance à un certain groupe social ou de l’identification d’une caractéristique d’un tel groupe. »

Cependant notre expérience et celle d’autres associations agissant pour le droit d’asile montre que la réalité des violences et persécutions est largement sous-estimée. Nous sommes témoins de demande d’asile pourtant étayées et convaincantes qui sont rejetées. 

Nous nous interrogeons aussi sur le dispositif de reconnaissance de la vulnérabilité des demandeurs d’asile : est il réellement efficient ? Des femmes victimes de viols collectifs et de tortures n’ont pas été identifiées comme vulnérables… Ont elle pu le dire ? les entretiens l’ont il permis ?

Un autre aspect affecte gravement les femmes (en tant que personnes particulièrement vulnérables aux violences) c’est le fait qu’en Ile de France le dispositif de prise de RV aux guichets uniques (par une plateforme téléphonique) pour faire enregistrer une demande d’asile est largement saturé, ce qui signifie des mois d’attente dans la plus totale précarité avant une prise en charge au titre de la procédure d’asile

Les demandeurs d’asile doivent bénéficier d’un hébergement, et le dispositif a été développé, mais nous pouvons témoigner que beaucoup de demandeuses d’asile que nous accompagnons demeurent sans solution d’hébergement, avec au mieux une chambre d’hôtel du Samu social…

Association RAJFIRE. Rédaction C. Lesselier. 24/09/2021

Les articles du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile sur les droits des victimes de violences